Chambre

Laureena sursauta brusquement, cherchant aussitôt une arme sous son oreiller avant de se rappeler qu'elle n'était pas dans sa chambre. Ses yeux se posèrent sur Siegfried, elle eut un soupir de soulagement. La jeune femme secoua la tête.

"Ne refais jamais ça! Tu m'as fais peur!"

Elle jeta un coup d'oeil vers la fenêtre et constata que l'aube se levait à peine. La jeune femme masqua un baillement derrière sa main et s'étira sans se soucier de sa nudité.

"On est obligé de se lever aussi tôt? Même ma jument doit encore dormir."

Malgré cette demi protestation, Laureena se leva et s'habilla à son tour. Elle ne mit pas sa cape qu'elle laissa pliée sur le dossier d'une chaise. Elle prit son temps pour fermer ce qui lui couvrait les jambes. La jeune femme revint vers son amant et l'embrassa tendrement.

"Autant que j'en profite: passée la porte, je devrais m'en priver pendant toute une journée. Ce soir, c'est toi qui viens chez moi."

Elle remarqua la nourriture.

"C'est toi qui nous a préparé tout ça? Mon capitaine préféré sait me prendre par les sentiments."

Siegfried ne broncha pas à la remarque de la jeune femme sur son réveil brutal.

"-Au moins tu es sur tes gardes."

Le chevalier se met debout et se place devant la table. Il lève un sourcil devant les paroles de la jeune femme sur sa levée très matinale et sa nudité.

"-Beaucoup des mes hommes doivent déjà être lever à cette heure. Nous avons trop dormis. De plus, je pense que tu ne devrais afficher ta nudité si un de mes hommes entre en urgence."

Il la regarda se vêtir sans un mot.

*Pourquoi met-elle autant de temps ?*

Il eut un regard de surprise quand elle l’embrassa sur les lèvres.

"-Oui, en effet. Pour ce soir nous verrons, je serais peut-être fatigué."

Il eut un sourire en coin

"-A moins qu’une bonne âme se décide à s’occuper de moi."

Il tire une chaise et s’assoit à table.

"-Un chevalier doit savoir bien se nourrir."

Il se sert un thé, puis regarde Laureena avec un regard étrange.

Laureena se redressa et rejeta en arrière ses longs cheveux noirs. La lumière orangée du matin leur donnait des reflets dorés. La jeune femme les releva et les attacha en queue de cheval haute.

"Tes hommes finiront par savoir ce qu'il y a entre nous au bout d'un moment. D'ailleurs, je me demande si ça ne doit pas déjà être le cas."

Laureena s'approcha de Siegfried en souriant. Elle lui caressa la joue tendrement.

"Si tu crains de tomber de fatigue dans un couloir, je te guiderais. Par contre, je voudrais te voir au moins une fois en tenue normale. D'accord?"

Elle fit le tour de la table et s'assit en face de lui.

"Pour ce qui est de la nourriture, je suis du genre gourmande. Mais je sais me modérer. Meden agan, comme on dit chez moi."

La jeune femme se servit tranquillement et commença à manger. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eut l'occasion de faire un vrai repas.

Le chevalier ne put s’empêcher de regarder un instant les cheveux de Laureena. Les lueurs du soleil levant donnèrent des teintes magnifiques sur sa longue chevelure.

"C’est possible. Du moins, ils peuvent s’en douter. De toutes manières, ils connaissent mon intégrité. Ils savent que je ne fais pas passer ma vie privée avant mon travail, ni que je mêle les deux."

Son visage afficha une expression interloquée. Il ne comprenait pas ce qu’elle voulait dire par tenue normale.

"En tenue normale ? La tenue d’un guerrier est son armure et sa tenue de sommeil est la nudité, du moins dans sa chambre."

Il a regarde s’asseoir et boit une gorgée de thé.

"Meden agan, ne fait rien d’excessif. Ne serait-ce pas un des commandements de Delphes ?"

Le chevalier mange, mais ne quitte pas Laureena des yeux. Il semble songer à quelque chose, mais ne laisse pas transparaître ce que cela peut être. Son regard est fixe, mais il ne cherche pas à lire dans ses pensées. Il continue malgré cela de boire tranquillement son thé.

Laureena secoua la tête en souriant. Il ne l'avait visiblement pas comprise. Elle lui expliqua simplement.

"Ce que j'entends par une tenue normale, c'est te voir sans ton armure, comme si tu allais quelque part sans craindre de te faire tirer dans le dos. Avec une chemise, je pense que cela t'irait très bien."

La jeune femme releva le nez de sa tartine en l'entendant traduire sa langue natale. Une lueur de joie passa dans son regard.

"Tu comprends le grec? Oui, c'est un des commandements de Delphes. Avec les changements qu'a connue la société, on est revenus aux anciens dieux. Et la Pithie m'a prédit que je ne serais pas heureuse sur Skyros mais à l'Est. Je me suis longtemps demandée si elle ne s'était pas moquée de moi. Maintenant, je sais que non."

Elle rajouta un peu de sucre dans sa tasse et en but un peu. Son regard se dirigea vers la fenêtre, le Soleil commençait à poindre plus nettement.

Il fronce les sourcils.

"-Je possède des vêtements civils. Mais au vu de mon poste, je ne peux pas me permettre de les porter. Peut-être un jour, je le ferais, mais pas maintenant."

La lueur de joie fugitive dans le regard de Laureena n’avait pas échappé à son capitaine. Mais il n’en dit rien.

"-Je connais quelques mots. Depuis la Forêt Noire en Bavière jusqu’ici, j’ai beaucoup voyagé et appris. Faire un si long voyage, le plus souvent à pieds m’a appris pas mal de choses."

Il continue de boire son thé. Après avoir fini celui-ci et avoir manger une dizaine de larges tartines, le chevalier se lève, lave ses couverts et les range. Ensuite, il reste un instant devant la fenêtre et contemple l’extérieur.

"-Pas de tempête à l’horizon, pourtant je vois une traînée rose au loin dans le ciel. Une tempête de sable va arriver sous peu dans la soirée ou demain."

Il se poste à côté de Laureena et l’embrasse sur le front.

"-Il y a des choses qui me tracassent, mais j’aurais le loisir d’en reparler plus tard."

Il enfile ses gants et prend son heaume dans la main. Il se dirige vers la porte et s’arrête devant elle.

"-Je t’attends, la courtoisie veut que les femmes passent les premières."

Laureena inclina la tête. Peut-être que son compagnon en faisait trop avec le réglement, mais elle respectait son choix.

"Très bien, j'attendrais alors le temps qu'il faudra."

Elle continua de manger en l'écoutant parler. Sa voix rauque lui plaisait, mais c'était surtout son accent qui renforçait son charme.

"Quelques mots, c'est déjà bien. Pour venir, tu as dûs passer par mon pays mais Skyros n'est pas une escale, sauf pour les navires marchands. Et je ne suis allé que peu de fois sur le continent, ceci dit, on s'est peut-être croisés sans le savoir."

La jeune femme termina son petit-déjeûner et répêta les gestes de Siegfried. Elle passa sa cape et ses gants, songeant déjà à sa jument qu'elle allait sortir et faire quelques exercices de combat.

"D'accord, tu m'expliqueras ce soir. Tu me rejoins chez moi?"

Elle le rejoignit près de la porte et lui caressa la joue. Elle sourit et le tira doucement à elle pour l'embrasser tendrement. Pour lui parler, elle baissa la voix.

"Tu es trop grand mon amour. On y va?"

Le chevalier suit un code moral et militaire très strict, mais cela la cavalière s’en était aperçue. Tout comme ses manières un peu rudes de parler ou de se comporter.

"-Bien."

La manière dont elle le regarde fait lever un sourcil au chevalier. Elle semble étrangement captiver.

*C’est ça l’amour.*

"-Skyros, hein !"

Ce mot se répercute dans son esprit. Un souvenir étrange, une rencontre, il est allé dans cet endroit et quelque chose s’y est passé. Une auberge, une histoire racontée, puis une agression, un homme en armure, une insulte qui fuse, un défi lancé, un combat, une victoire, puis une chute, la mort et enfin le départ, tout cela forme un puzzle dans l’esprit du chevalier. Un puzzle qu’il doit reconstituer pour comprendre pourquoi ce nom lui rappelle tant de souvenirs.

"-Oui, c’est possible."

Siegfried l’observe un instant faire les mêmes gestes que lui.

"-D’accord chez toi et je t’expliquerais."

Le chevalier ne bronche quand il sent la main sur sa joue. Il se sent légèrement tiré en avant et se laisse embrasser.

"-Même avec la meilleure volonté du monde, je ne peux pas rétrécir pour toi."

Il enfile son heaume et ses gants et s’adresse à Laureena en ouvrant la porte.

"-Honneur aux femmes."

Il tape son armure à hauteur de ses fesses en la poussant un peu.

"-En selle."

La jeune femme sourit, amusée. Naturellement qu'il ne pouvait pas se faire plus petit. Mais cela l'aurait gênée, elle l'aimait comme cela et ne l'aurait pas voulut autrement. Dans un certain sens, la haute taille de son compagnon la rassurait. Elle passa devant lui.

"Merci."

Laureena reçut une petite tape sur les fesses et fut légèrement poussée en avant. Elle manqua de se tourner pour lui sauter dessus et le chatouiller mais se retint et se composa un visage neutre.

"Je comptais descendre chercher ma jument de toute façon. Est-ce vous qui dirigez l'entraînement aujourd'hui?"

Laureena commença à descendre les marches de la tour, se comportant comme si rien ne s'était passé entre son capitaine et elle. Cependant, cette distance forcée par le réglement lui faisait un peu mal.

"-De rien."

L’absence de réaction de Laureena après que Siegfried lui ai tapé à hauteur de ses fesses fit sourire ce dernier derrière son heaume.

"-Oui, je le dirige toujours. D’ailleurs, je pense que mes hommes ont besoin de savoir ce que c’est que de se battre contre quelqu’un qui a un cheval comme allié."

Le capitaine voit une étrange lueur dans le regard de Laureena. Curieux, il sonde son esprit pour pouvoir lire dedans. Il voit sa tristesse de voir qu’elle redevient le soldat et lui le capitaine.

*Je suis désolé Laureena, mais il y a des choses contre lesquelles nous ne pouvons pas grand chose. Je…*

Sa pensée destinée à Laureena s’arrête net. La raison du chevalier emmure son cœur. Il se retient de vouloir réconforter la jeune femme. Il se contente d’ajouter.

*C’est ainsi.*

-J’attends de voir tes talents équestres au combat. A tout à l’heure.

Le chevalier sort à son tour et referme à clé sa chambre. Puis il se dirige vers la cour sans ajouter un mot, ni tourner la tête vers la jeune femme, la laissant face à un règlement nécessaire mais difficilement compatible avec des sentiments.

Entraînement

Laureena se retourna pour regarder son interlocuteur.

"Vous pourriez tout aussi bien en former au combat équestre. C'est une excellente école de rigueur."

La jeune femme savait de quoi elle parlait. Elle avait été formée à cet art sur le destrier de son père, un étalon difficile et caractériel. Elle s'était retrouvée de nombreuses fois par terre, le nez dans la poussière à cause d'erreurs que le cheval ne lui avait pas pardonné. La pensée de Siegfried la fit légèrement sourire.

*Tu n'as pas à t'excuser pour ça. C'est moi qui doit séparer les deux, c'est tout.*

"A tout à l'heure. C'est bien cela qu'il me faudra pour préparer Brunehaut, j'ai horreur de me presser. Dans ce cas-là, c'est toujours le cheval qui prend."

Laureena regarda son amour et capitaine s'éloigner. Elle retint le soupir qui voulait s'échapper et descendit vers les écuries.

Entraînement

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