Le calme avant la tempête

Laureena avait sentit son compagnon bouger. Mais ignorait ce qu'il avait fait de même qu'elle ne savait pas la présence du serpent. Elle se tourna et le regarda avec un sourire tendre. Sa main vint se poser sur le joue du chevalier, remonta sur sa tempe, son front pour en retirer quelques mèches. La jeune femme posa doucement ses lèvres sur celles de son amant.

"Les journées sont longues quand on ne peux pas être normaux entre nous."

Elle se leva et le recouvrit, comme s'il dormait. Elle remit juste ses sous-vêtements. Dehors, la tempête semblait ne pas vouloir se calmer. La jeune grecque fit soudain un bond en arrière et une forme noire la bouscula pour entrer dans la grotte. Elle tomba assise alors que la chose se secouait en soufflant bruyamment, projetant du sable partout. Laureena était surprise, c'était un cheval noir comme la nuit, plus grand et plus lourd que Valens. Il portait le harnais des montures des bédouins mais n'appartenait pas à leur race: il était beaucoup trop massif. Une longue blessure lui courait sur l'encolure, pleine de sable. Du sang tachait sa selle et son tapis.

Laureena attrapa les rênes, voulut l'amener à elle et l'étalon se cabra en hurlant, les yeux fous. Elle sauta en arrière le temps qu'il retombe et vit qu'il était blessé au niveau des lèvres. Il ne supportait plus son mors, de l'écume coulait de ses barres. La jeune femme caressa le cheval tout en l'apaisant de la voix, il se calma et la laissa l'inspecter.

Le chevalier eut un léger grognement en sentant la main se poser sur sa joue. Mais il ne fit aucun mouvement pour l’ôter même quand elle passa sur sa tempe et sur son front. Siegfried eut un large sourire en sentant Laurenna l’embrasser sur les lèvres. Mais il ne fit, ni ne dit rien quand elle lui parla.

*Je sais mais c’est ainsi. La vie ne nous donne pas toujours les choix que nous voudrions avoir.*

Cette pensée s’adressait autant à lui qu’à la cavalière. Le capitaine détendait toujours ses muscles lorsqu’il sentit la couverture. Il entendit un bruit de tissu, sans doute se rhabillait-elle. Le chevalier entend un bruit inhabituel et se lève aussitôt, prêt au combat. Mais il n’y a nul ennemi dans la grotte juste Laureena à côté d’un grand cheval noir. L’animal semble affolé, ce qui n’étonne pas le chevalier aux vues des blessures sur son corps. Il avance à pas mesurés vers l’animal. Siegfried n’a pas vraiment l’habitude des cheveux. Même s’il en a monté certains, il garde toujours une certaine réserve, sur tout quand ils sont blessés. Le cheval, d’un noir de jais et au corps massif, rappelle des souvenirs au capitaine. Arrivé à hauteur du cheval, il pose une main sur la tête du cheval et parle d’une voix calme et paisible.

-Kalim Isal, cet homme ne mérite pas une telle monture. Mais il n’est digne d’aucun animal de toutes manières.

Il regarde l’animal avec compassion.

-Dans quel état t-a t-il mis ?

Avec grand soin, le chevalier retire les rênes du cheval.

-Aucun être humain ne peut faire ce genre de choses.

Il regarde sa cavalière.

-Laureena, je te présent Isambart. Le plus beau et le plus puissant cheval de la région.

Laureena entendit Siegfried lui parler par la pensée. Elle sourit, en le regardant, il avait raison.

"Malheureusement."

L'étalon débarqua, affolé. Laureena vit Siegfried quand il se leva, croyant sans doute à une attaque. Il se calma en voyant le cheval. Il semblait le connaître, ce qui étonna la jeune femme. L'étalon souffla et laissa le chevalier le caresser puis lui retirer son filet. Siegfried expliquait qui était le propriétaire de l'animal, un arabe sans doute mais qui n'avait visiblement aucun respect pour sa monture.

"Isambart?"

Le cheval dressa les oreilles à l'appel de son nom.

"Il est splendide c'est vrai mais doit l'être encore plus quand il est en forme."

La jeune grecque retira la selle sous laquelle l'étalon portait des points blancs, signes d'anciennes cicatrices dûes à un harnachement mal ajusté. Elle lui caressa doucement les flancs qui étaient entaillés par endroit par les pointes des éperons que devait avoir son maître. La croupe du cheval portait les marques longues et fines de coups de cravache.

"Ce n'est pas un cavalier mais un tortionnaire. Il a dû se faire virer en voulant fuir la tempête. Un cheval pareil demande de la douceur, pas de la force."

"-Oui, Isambart. Moi et lui, c’est une longue histoire de confiance. Je l’ai aidé à naître. Je me suis occupé de lui autant sa mère."

Le chevalier ferme les yeux un instant comme pour se remémorer des souvenirs.

"-J’ai été employé dans un haras dont le propriétaire s’appelle Alim Isal. Un homme droit et juste qui a après avoir parcouru le désert à décider de s’installer avec femmes et enfants et se consacrer à sa très grande passion, les chevaux."

Siegfried lève les yeux au plafond de la grotte, puis les reposes sur le cheval qu’il caresse doucement.

"-Je n’ai jamais vu un homme aimer autant ses animaux. Il considérait ses chevaux autant que ses propres fils. Il m’a engagé en tant que palefrenier, puis lad. Il a un fils du nom de Kalim Isal, un jeune homme prétentieux et arrogant, n’ayant aucune patience avec les chevaux et les animaux. Je l’ai surpris plusieurs à frapper des chevaux et même des collègues. Un jour, il a décidé qu’Isambart serait son cheval, car c’était le plus beau et le plus fort. Mais Isambart ne l’a jamais accepté et lui a plusieurs fois fait mordre la poussière. C’est qu’il a commencé à le frapper. Un jour j’ai décidé que cela devait s’arrêter et j’ai prévenu son père. Quand il a vu son fils frappé Isambart, il la fait descendre de monture et l’a frappé à coups de cravache. J’ai rarement vu un père aussi en colère, j’ai dut le retenir de continuer. Son fils avait finit par s’évanouir sous les coups."

Siegfried soupire.

"-Une haine farouche est née en Kalim contre moi. Un jour que son père était absent, il m’a congédié. La mort dans l’âme, j’ai dut quitter le haras et Isambart. J’ai rencontré Jonathan juste après."

Le chevalier regarde le cheval.

"-Je suis désolé Isambart si tu savais à quel point, je suis désolé."

Il avait collé sa tête contre celle de l’animal.

Laureena porta son attention sur Siegfried qui caressait doucement l'étalon. La jeune femme écouta son amant parler, lui raconter l'histoire qui le liait à ce magnifique animal couleur de nuit. A la voix du chevalier, Isambart semblait beaucoup plus détendu, il finit par mettre un postérieur au repos, somnolant debout.

"C'est une bien triste histoire. Je ne vois pas comment on peut se permettre de maltraiter un cheval pareil."

Elle réfléchit un instant, caressant doucement le poil sombre d'Isambart. Elle s'arrêta et bricola le filet, retirant le mors pour fixer les rênes à la muserolle. Comme cela, elle avait fabriqué une sorte de bosal qui n'abimerait pas les lèvres déjà meurtries de l'étalon.

"Si tu étais lad, tu as dû t'occuper de ce cheval. As-tu participé à son éducation en temps que cheval de selle? Il ne semble pas avoir mal au dos et il est suffisament grand pour nous porter tous les deux. Mais je n'ai pas envie qu'il me vire si je lui donne un mauvais ordre."

Laureena n'aimait pas trop le mot "dressage", trop dur à son goût. Mais elle comptait utiliser l'étalon pour qu'il les ramène tous les deux au fort. Vu sa taille, il ne devrait pas avoir de soucis pour porter Siegfried, beaucoup plus grand que la moyenne.

"-Moi non plus Laureena. Je ne comprends pas que l’on puisse maltraiter un être vivant quel qu’il soit."

Il eut un sourire amer.

"-Paradoxal pour quelqu’un créer pour tuer."

Le chevalier la regarde bricoler le filet avec curiosité. Il n’a jamais fait cela de cette manière.

"-Je l’ai monté plusieurs fois à la demande du propriétaire. Isambart me tolère sur son dos, je pense que malgré mon mauvais niveau de cavalier, je n’ai nul besoin d’éperon ou que je tire peu sur les rennes pour le guider."

Il eut un rire étouffé.

"-Cela reflète surtout mon inexpérience et donc ma prudence logique. Isambart est patient et agit surtout en fonction de la personne. S’il ne t’aime pas, tu ne pourras pas le monter quoi que tu fasses."

Le capitaine eut un moment de silence.

"-Il faut d’abord le soigner. Sinon malgré sa volonté, il ne nous laissera pas le monter. Il faut nettoyer la plaie du sable qu’elle contient. Il nous faut de l’eau et il y a un désinfectant dans mon pantalon."

Siegfried ne semble pas se rendre compte de sa nudité, à moins qu’il n’y porte aucun intérêt.

Laureena secoua la tête, désolée que sa condition de clône pèse autant sur les épaules de son compagnon.

"Je me fiche de savoir pour quoi tu as été créé. Il n'y vraiment que toi pour moi et que tu sois clône ou humain naturel n'y change rien. Je t'aime, c'est tout."

Elle s'approcha de lui et l'embrassa doucement sur le coeur. Elle y posa sa main et le regarda dans les yeux.

"C'est ça qui fait de toi ce que tu es. Je le sens battre, si ce n'était pas le cas, ce serais mauvais signe. Seuls les hommes désagréables n'ont pas de coeur."

Elle bricola le filet, obtenant très vite ce qu'elle voulait. Chez elle, à Skyros, elle avait souvent dû réparer des affaires qui se cassaient en cours de patrouille ou de ses errances. Tout en terminant de relier les lanières entre elles, la jeune femme écoutait Siegfried parler du caractère du cheval. Il parla d'eau pour le soigner mais elle n'avait pas sa gourde. Elle se creusa les méninges parce qu'ils ne pouvaient pas sortir pour le moment quand un détail attira son attention. Le sable sous ses pieds était frais et un peu humide.

"Je ne me suis pas aventurée vers le fond de la grotte mais je suis presque sûre qu'il y a de l'eau quelque part. Le sable est tout froid."

La jeune femme s'éloigna et entendit de l'eau couler. Pas beaucoup plus loin, masqué par une paroi, il y avait un bassin naturel éclairé par des trous dans le plafond d'où tombait le sable de la tempête. Elle s'en approcha et se pencha, y trempant sa main, l'eau était fraiche, claire et pure.

"Siegfried! J'ai trouvé! Amène Isambart, on a de quoi le soigner!"

Siegfried écoute sans mot dire les paroles de sa cavalière. Il a du mal à comprendre pourquoi elle l’aime malgré cela, mais il se refuse pourtant à en savoir la raison. Le chevalier laisse la jeune femme poser sa main et ses lèvres sur son cœur. Le capitaine a l’impression que quand elle le regarde dans les yeux, c’est pour apaiser son cœur.

"-Merci Laureena, j’essaierais de ne jamais te décevoir."

Devant l’habileté de la cavalière à bricoler le matériel des chevaux, Siegfried ne pouvait qu’être admiratif et se dire que les habitants de Skyros devaient être d’excellents cavaliers, soucieux de leur montures. Il l’écouta constater la froideur du sol.

"-Oui, c’est fort possible."

Le chevalier regarde Laureena s’éloigner. Il l’entendit la jeune femme et il se déplace en compagnie d’Isambart vers l’endroit où elle se trouve.

"-C’est parfait. Je vais apaiser Isambart, pendant que tu t’occupes de ses blessures."

Le capitaine pose une main sur l’encolure de l’animal et lui parle d’une voix très calme et posée.

"-Du calme, elle va te soigner."

Laureena retourna rapidement chercher sa cape et son poignard. Cet arme ne la quittait jamais, une précaution qu'elle prenait depuis son viol. Et la lame avait souvent servie pour décourager des hommes trop entreprenants. Avec, la jeune grecque déchira un morceau de sa cape et le trempa dans l'eau.

"Je vais peut-être lui faire mal dans les premiers temps mais il doit s'y faire. Fais attention à ses coups de têtes possibles."

Laureena caressa doucement les contours de la blessure, du bout des doigts pour vérifier qu'il n'y avait pas de boursouflure indiquant un début d'infection. Elle avait souvent soigné des chevaux blessés après des affrontements ou des entraînements. La jeune femme fit signe à Siegfried de faire attention et posa le tissu mouillé sur la plaie, cela fit tressaillir l'étalon qui racla le sol avec un antérieur.

"Tout doux, n'ai pas peur."

Elle commença à le nettoyer avec précautions puis plus franchement. Elle enlevait le sable et les poils qu'il perdait. Isambart ne bougeait plus, la tête haute, le regard méfiant. De temps à autre, un frémissement faisait vibrer ses naseaux de velours sombre. Calmement, Laureena termina son travail de nettoyage, révêlant une plaie peu profonde mais longue.

"Je me demande comment il s'est fait ça. Ce n'est pas une plaie banale. Je vais désinfecter et je m'occuperais de ses flancs. Désolée, je dois fouiller dans tes affaires."

Elle alla fouiner dans les affaires de son amant et trouva ce dont il avait parlé. Elle commença à mettre le désinfectant sur la blessure. Isambart plaqua ses oreilles et se décala mais la laissa faire sans trop bouger. Laureena s'occupa des flancs du cheval. Il n'était pas gravement touché mais l'emplacement des plaies la fit froncer les sourcils.

"Tu crois que son propriétaire serait capable de chercher à le tuer?"

Siegfried regarde la jeune femme aller chercher sa cape, la déchirer à l’aide de son poignard et tremper le morceau découpé dans l’eau claire de la grotte. Il écoute avec attention les paroles.

"-Il n’y aura pas de problèmes, Laureena. Tu peux faire ce que tu dois faire."

Le chevalier regarde les gestes de la cavalière et il fit un signe de tête à Laureena quand elle lui indiqua de faire attention. La main du capitaine retenait doucement mais fermement le destrier. Siegfried voit ce dernier remuer mais sans faire de mouvements brusques. Le chevalier regardait également avec attention les gestes de la cavalière. Tout cela lui rappelle ses années en tant que lad et son passage sur l’île de Skiros. Cette dernière chose lui fit secouer, il avait quelque chose à lui dire mais il ne le ferait pas maintenant. Démétrios savait comment le cheval s’était blessé. Il secoua positivement quand elle lui dit qu’elle fouillerait dans ses affaires, pour lui faire comprendre que ce n’était pas un problème.

"-Tu es courageux Isambart."

Le chevalier parle toujours sur le même ton calme au cheval dont il caresse la tête. Mais Siegfried fronce les sourcils entendant Laureena insinué que son propriétaire pourrait vouloir le tuer.

"-Alim ? Jamais. Il préfèrerais se trancher une main. Il me l’a dit. Kalim, en revanche, je ne sais pas, dans un accès de colère peut-être. Mais en aucun cas dans un acte prémédité, Kalim est hautain et colérique, mais pas aussi cruel. Mais pourquoi me demandes-tu cela ?"

"Ce n'est pas d'Alim dont je parlais mais de son fils. Regarde ça, j'ai vu des chevaux se faire abattre, à la suite surtout d'entraînements qui avaient dégénérés. Pour les tuer, ceux qui en avaient la charge leur enfonçaient une épée ici, juste derrière la deuxième côte. Et chose curieuse, il est blessé à cet endroit par des éperons."

Elle termina de le soigner. L'étalon semblait avoir compris que cette jeune femme ne lui ferait pas de mal et il se laissait faire sans bouger. Elle le caressa doucement sur l'encolure et observa les marques de cravache, ce n'était pas gênant pour Isambart, juste un peu douloureux.

"J'ai fini. Pour le moment, je ne peux rien faire de plus. Je m'en occuperais mieux à la forteresse."

Elle alla remettre le désinfectant à sa place et revint près des deux "hommes" qu'elle avait laissé. Ils semblaient bien tous les deux. A croire qu'ils étaient fait pour combattre ensemble. La jeune femme but un peu au bassin et quelque chose de sombre fit de même: Isambart qui avait soif.

"-C’est possible mais Alim ne connaît pas l’anatomie. De plus, il n’y avait pas d’éperons arabes au haras. Son père en a une paire qu’il garde sous clé. Alim se contente de monter les chevaux, il n’étudie pas comment il fonctionne, ni quel est leur caractère ou comment on les soigne. C’est un cavalier fougueux, colérique, impatient et arrogant. Mais il ne tuerait jamais un cheval. J’ai beau ne pas l’aimer, je le vois très mal tuer un cheval."

Le chevalier caresse doucement Isambart.

"-A cause de son imprudence, il est tombé de selle une fois. Le cheval aussi a été blessé. Il a dormi dans l’écurie tout le temps que j’ai soigné le cheval. Je l’ai vu une fois se bagarrer avec un homme qui avait déclarer que les chevaux était juste bon à manger. Il l’a mit K.O."

Le chevalier caresse doucement le cheval. Tous deux sont visiblement soulager que le destrier soit bien soigner. Siegfried pose un instant sa tête contre le flanc du cheval comme pour écouter les battements de son cœur. Quand Laureena se mit à boire, son chevalier pose un doigt sur le flanc du cheval. Ce dernier pousse la jeune femme de sa tête, ce qui la fait tomber dans l’eau. Puis il se remet à boire l’air de rien. Tandis que Siegfried regarde le plafond avec un air des plus innocent.

Laureena écoutait tranquillement ce que lui disait Siegfried. Elle sentait que si elle venait à rencontrer cet Alim, elle ne l'apprécierait pas. Mais bon, là n'était pas la question pour le moment, elle se contentait de se rafraîchir. Elle se passait de l'eau sur le visage quand quelque chose la poussa. Laureena eut juste le temps de prendre son souffle avant de basculer dans l'eau. Elle se retrouva à plat ventre dans le bassin. Se retournant, elle regarda Isambart, puis Siegfried.

"Isam... Siegfried?! Tu lui as appris à jouer des tours?"

Le chevalier avait l'air trop innocent pour l'être vraiment. Laureena se leva et alla vers lui. Sans prévenir, elle posa sa main fraîche sur le cou du chevalier et recula en riant.

"Tu me dois un bain je crois."

Elle lui prit la main et l'attira à elle. Elle se mit sur la pointe des pieds pour pouvoir l'embrasser et encore, elle dut lever la tête. Elle coupa brusquement le baiser et le poussa dans l'eau.

Lorsque Laureena lui parla, le chevalier se retint de sourire.

"-Mais pas du tout. Isambart est juste un farceur."

Le mensonge était énorme, mais Siegfried gardait un visage totalement sincère. Malgré cela, Laureena n’était pas dupe une seule seconde. Le chevalier la vit se lever et se diriger vers lui. Il ne bougea pas quand il sentit une main trempée se poser sur sa nuque.

"-Ah ?"

Le capitaine se laissa. Cela fit sourire le chevalier sourire de voir Laureena se grandir pour pouvoir l’embrasser. Leur différence de silhouette n’est pas toujours un avantage pour eux. Mais, il présente plus d’avantages que d’inconvénients. S’il voulait qu’elle ne l’embrasse pas, Siegfried avait juste à lever ou à décoller les talons du sol. Quand Laureena le poussa, il aurait très bien put l’esquiver si Isambart ne lui avait pas donner un coup de tête dans le dos. Déséquilibré, le chevalier put néanmoins agrippé Laureena. Après un grand plouf, la cavalière se retrouve sur le ventre du chevalier. Ce dernier la regarde en souriant et commence à la chatouiller.

Laureena vit vaguement Isambart bouger et se sentit entraînée dans la chute de Siegfried. Il y eut une grande éclaboussure et elle se retrouva sur son amant qui la regardait avec des yeux rieurs. Il commença à la chatouiller, elle éclata de rire et se débattit de son mieux pour réussir à rouler sur le côté.

Elle se releva et avança dans l'eau. Le sol descendait et elle ne toucha plus le fond. Le bassin était plus grand qu'il n'y paraissait au premier abord, un peu comme certaines oasis. La jeune femme se mit à nager, elle prit son souffle et sonda, les yeux ouverts sous l'eau claire. Elle ressortit un peu plus loin, l'eau ruisselant le long de ses cheveux noirs. Elle revint vers Siegfried et lui tendit la main.

"Tu viens nager? C'est agréable."

Isambart fit quelques pas dans l'eau et frappa la surface avec un sabot. Soufflant et grognant avec ses naseaux, il se coucha et se roula. Laureena rit en voyant l'étalon jouer comme un poulain. Il se releva et se secoua vigoureusement.

"Tu vois, même Isambart touve ça amusant."

Siegfried songe que de savoir sa jolie cavalière chatouilleuse pourrait lui être fort utile à l’avenir. Il la vit se débattre et rouler sur le côté pour échapper à son étreinte. Siegfried la regarde nager, puis plonger pour scruter les profondeurs de cette étendue d’eau souterraine. Quand elle ressortit de l’eau, les gouttes sur sa chevelure brillaient et offraient un étrange spectacle comme une nuit très sombre éclairée par de multiples étoiles. Il eut un peu de mal à dégager ses yeux de ce spectacle. Le chevalier prit la main que la jeune femme lui tendait.

"-Euh oui !"

Le capitaine regarde le cheval se conduire comme un jeune poulain avec un regard dubitatif.

"-Isambart, c’est un manque de sérieux caractérisé. Dès qu’il y a du monde, tu fais ton intéressant."

Le ton employé par Siegfried était faussement sérieux, un peu comme un père qui fait semblant de disputer son enfant pour une faute insignifiante Il se tourne vers Laureena toujours avec le même air.

"-Cavalière, je vous somme de retire vos sous-vêtements sinon il ne sècheront jamais."

Le capitaine croise les bras sur son torse.

La jeune femme rit de nouveau. L'étalon dressa les oreilles à son nom, regardant Siegfried de ses grand yeux sombres. Il ne semblait pas vraiment gêné de sa conduite et se remit à frapper l'eau. Laureena trouvait cet animal très intéressant en effet et elle se tourna vers son amant, le sourire aux lèvres.

"A vos ordres, Capitaine."

Elle dégrapha son soutien-gorge, retira sa culotte et alla les poser sur le bord du bassin. Elle revint, ses cheveux dénoués cascadants élégament sur ses épaules et dans son dos. La jeune femme passa devant le chevalier, lui caressant le dos au passage. Elle retourna dans l'eau, sa chevelure se déploya autour d'elle, comme la corolle d'une fleur aux pétales sombres.

"Mon beau chevalier dédaignerait-il l'appel de sa dame qui lui demande de la rejoindre?"

Elle avait volontairement prit une sorte de rôle, celui des contes romantiques médiévaux. Mais pour appuyer sa demande, elle lui tendit la main, sirène appelant l'élu de son coeur. Son regard se fit doux et tendre, un regard amoureux.

Le capitaine regarde la jeune femme se déshabiller avec un regard neutre. Il avait remarqué qu’elle avait dénoué ses cheveux. Le chevalier leva un sourcil quand une main se posa sur son dos alors que Laureena passait à sa hauteur. Il nagea doucement dans sa direction quand elle l’appela et prit sa main dans la sienne. Le chevalier tira lentement la jeune femme vers lui et la pris doucement dans ses bras. L’étreinte qu’il fait a un doux parfum de réconfort.

"-Ma belle cavalière est-elle satisfaite."

Siegfried serre tendrement Laureena contre lui. Des mèches de ses cheveux argentés retombent sur son visage quand il penche ce dernier sur la jeune femme.

"-Aujourd’hui j’ai attrapé une sirène dans mes filets. Elle a des yeux et des cheveux noirs. Parfois, on la voit chevauché les grands espaces sur son fier destrier."

Laureena regarda le chevalier nager vers elle et le laissa lui prendre la main. Elle sourit doucement alors qu'il la tirait vers lui et passa un bras autour de son cou, se faisant prendre dans l'étreinte de ses bras puissants et doux. Un sentiment de sécurité l'envahit brusquement, comme à chaque fois qu'elle se trouvait contre lui.

"Oui je suis satisfaite."

Comme il la serrait doucement, elle posa sa tête sur l'épaule de son compagnon. Elle ferma les yeux, l'écoutant lui raconter une petite histoire. Elle sourit doucement, lui caressant le bras.

"Aujourd'hui, j'ai été ensorcelée par une sorcière. Mais un valeureux guerrier est venu me délivrer. C'est un trésor aux yeux rubis et aux cheveux d'argent."

Doucement, elle leva la tête et posa ses lèvres sur celles de son amant. Elle commença à l'embrasser tendrement, les yeux fermés. Sa main autour de son cou lui caressa les cheveux et l'autre la joue.

Siegfried sentit un bras passé autour de son cou, geste que la cavalière fait à chaque fois qu’ils sont aussi proches et qu’elle a besoin de sécurité ou de réconfort.

"-Hum !"

Le chevalier sentit la tête de Laureena se poser sur son épaule, une preuve s’il en fallait de la confiance qu’elle porte à son chevalier. Il passe une de ses mains dans la chevelure nuit de la cavalière, lissant lentement les longs cheveux de la jeune femme. Les gouttes dans la chevelure sombre de la Laureena se déposent sur les doigts du chevalier.

"-Désormais, tu te reposes dans les bras de ton trésor, qui n’est pas prêt de te quitter."

Le chevalier vit le visage de la jeune femme se levé et ses lèvres se poser sur les siennes. Siegfried ferme les yeux tandis qu’elle l’embrasse avec amour. Il peut sentir une main enlacer son cou, caressant doucement sa chevelure argentée, brillant de gouttelettes d’eau. L’autre main de Laureena, le chevalier sait qu’elle lui caresse doucement la joue. Une des bras de Siegfried passe sous les fesses de la jeune femme pour que cette dernière soit à sa hauteur. Les jambes musclés du chevalier les maintiennent sans problème au-dessus de la surface.

Juste avant de répondre à son baiser, Laureena entendit son compagnon lui parler et elle sourit tendrement. Alors qu'ils s'embrassaient, elle le sentit la soulever, l'eau et la puissance du guerrier leur permettant d'être à la même hauteur pour une fois. Elle sépara doucement leurs lèvres et reposa sa tête sur l'épaule de Siegfried.

Les yeux fermés, elle repensait à son adolescence rêveuse entre deux entraînements. Mais aussi à un détail qu'elle croyait avoir oublié. Cela la troubla et elle regarda le chevalier.

"J'ai l'impression qu'on se connaît depuis plus longtemps que depuis mon arrivée ici. C'est très bizzarre."

La jeune femme ne se dégagea pas de l'étreinte de son amant et chercha à sonder son regard. Mais avec lui, c'était difficile.

En la voyant sourire, les yeux de Siegfried brillèrent d’une certaine fierté de la voir heureuse avec lui. Il ne saurait dire pourquoi, lui un soldat, un guerrier créer pour tuer, pourvoir rendre quelqu’un heureux, une femme amoureuse, cela lui dit difficilement concevable et il a du mal à réaliser. Le chevalier sentit le baiser se rompre et Laureena poser sa tête sur son épaule. Il passe doucement ses doigts dans les cheveux fins de sa cavalière amoureuse.

"-Je… J’ai quelque chose à te dire."

Le chevalier se tut un moment comme pour réfléchir.

"-Je suis déjà allé sur ton île. J’ai étudié et j’ai vu plusieurs cavaliers. J’ai rencontré l’homme qui te terrifie tant dans tes pensées. J’étais à une auberge et lui est entré il semblait pressé, peut-être même préoccupé. Son visage reflétait quelque chose entre le doute, la peur et la colère. Il a parlé durement à l’aubergiste. J’avais fini de manger et j’ai été au comptoir pour payer l’addition. Il a commencé à se montrer violent envers l’aubergiste. Je ne me rappelle plus trop la raison. Je lui ai demandé de se calmer et de laisser l’homme tranquille. Il a lâché l’aubergiste et s’en pris à moi. Je me suis contenté de payer l’addition et de l’ignorer. Au moment où j’allais sortir, il s’est jeté sur moi avec son épée. Je l’ai facilement esquivé et l’ai violemment frappé, le projetant à plusieurs mètres. Je suis sortis en croyant l’incident clos. Arrivé au port pour prendre le bateau, il m’attendait sur le quai, épée au poing. Il m’a provoqué en duel, nous nous sommes battus. Mais son pied s’est pris dans un trou, il a basculé et sa tête a très violemment heurté une pierre pointue. Il était déjà mort quand je me suis penché sur lui. Les autorités m’ont dit que c’était un combat loyal et qu’il est mort par accident. J’ai quitté l’île le jour même."

Il regarde Laureena avec affection.

"-Il est possible que tu m’aies vu aux écuries à ce moment là."

Il se tut.

La jeune femme resta silencieuse, laissant Siegfried lui caresser les cheveux. Elle était parfaitement sereine, bercée par les mouvements de son compagnon. Quand il se remit à parler, elle eut avec surprise le sentiment qu'il hésitait. Elle l'écouta jusqu'au bout, son récit la troublait beaucoup.

Les souvenirs lui revenaient en une foule de flash rapides et qui lui permirent de reconstituer la scène. Elle ignorait la mort de son bourreau et craignait tous les jours de le croiser de nouveau mais son cauchemar était terminé.

"Je me souviens de ce jour-là... On rentrait de la chasse qui coûta la vie à son ami. Il avait quitté le château à peine rentré. Et moi, je me préparais à partir, ce que j'ai fais une heure plus tard. Je suis partie pour le Nord de l'île."

Elle eut un sourire doux et posa un baiser sur le front de son amant.

"Tu m'as vengé mon amour. Avant même que l'on ne se connaisse pour de bon. Tu te souviens du jeune soldat qui t'a donné à boire au puit du château un matin?"

Il ne dit rien au paroles de la jeune femme et ne répondit pas à son baiser sur son front. Son visage devint grave quand elle le remercia de l’avoir vengé, Pour le chevalier, ce n’était qu’un duel et un stupide accident. S’il avait pris le bateau en se contentant de le bousculer, le chevalier serait encore en vie. Malgré que Siegfried soit un militaire et un chevalier, cela ne lui fait jamais plaisir de prendre une vie qu’elle quelle soit. Malgré cette carapace de pierre qu’il s’était forgé, il avait toujours une conscience et des scrupules parfois difficilement compatibles avec son métier et ses actes. Le capitaine était partagé, d’un côté il était heureux que Laureena soit apaisée, d’un autre il s’en voulait d’avoir pris une vie. La mention d’un souvenir par Laureena le fit revenir de ses préoccupations, sans pour autant que son visage perde un air préoccupé.

"-Oui, d’ailleurs il a été très aimable de le faire. Il n’était pas obligé. Serait-il possible que ce fus toi ?"

La question aussi naïve soit-elle peut quand même recevoir une réponse négative. C’est sans doute pour cela que Siegfried la pose.

Laureena remarqua qu'il semblait toujours préoccupé. Mais par quoi, elle l'ignorait complètement. Cela la peinait toujours un peu de le voir comme cela, soucieux sans pouvoir lui remonter un peu le moral. Même durant leurs tendres étreintes, il lui semblait parfois que son amant était ailleurs à la suite d'une phrase dite sans y réfléchir. Sa question la fit sourire.

"Oui c'était moi. Mais il est normal que tu m'ais confondue avec un jeune garçon. Je devais cacher ma véritable identité et j'avais un casque à l'époque. Je venais de passer la nuit la plus effroyable de ma vie..."

Elle se tut un moment, rassemblant ses souvenirs du mieux qu'elle pouvait. Elle repoussa une mèche de cheveux qui tombait sur son front.

"J'étais loin de me douter que j'étais en face de celui qui m'aiderait à me refaire une place dans le monde. Mais tu m'avais marqué... Ta voix m'avait plue. C'est peut-être ça qui m'a fait agir comme une idiote quand on s'est retrouvé sur les champs d'entraînements."

Elle baissa un peu les yeux, se remémorant sa façon de se conduire face à Siegfried avant de l'affronter.