Entraînement

Siegfried, les poings sur les hanches, regarde une personne sur le sol.

"-Debout!"

Le jeune homme allongé au sol, ne semble pas pouvoir se relevé. Il est en sueur et soufle rapidement.

-Je suis fatigué, capitaine.

Siegfried attrape le jeune homme par le col et le soulève du sol pour pouvoir le regarder droit dans les yeux.

"-Quand l'ennemi attaquera cette forteresse, il se moquera pas mal de savoir si tu es fatigué. Il te plantera sa lame dans la gorge sans même se casser un ongle."

Il lâche le soldat qui retombe lourdement à terre.

"-Tu vas continuer la course et tu vas la continuer jusqu'à ce que tu n'es plus de force pour bouger même le petit doigt et même prononcer une râle. Dans le cas contraire, c'est moi qui te montrerait comment j'ai été entraîné et tu verras, à quel point, que ce que raconte tes copains sous les tentes sur mes entraînements est vrai."

Le jeune homme se relève d'un bond et se met à courir comme une flèche.

"-La motivation est la clé de la réussite."

Lac d'opale

Laureena revenait de sa promenade. Sa jument trottait tranquillement. La jeune femme entendit des voix par dessus le bruit des autres guerriers qui s'entraînaient. Plus loin, un chevalier, beaucoup plus grand que les autres, engueulait une jeune recrue.

*Le voilà, le seigneur d'ici.*

Elle approcha sa jument. La grande grise marchait, les postérieurs sous sa masse, prête à bondir en cas de défi. Laureena put constater qu'elle réagissait en véritable monture de combat. La jeune femme arrêta sa jument, attendant que le chevalier remarque sa présence. Chose qui ne serait pas bien difficile vu qu'elle était la seule femme et la seule cavalière.

De jeunes chevaliers en train de s’entraîner s’arrêtent brusquement et regardent avec insistance la nouvelle venue.

-Vous avez vu une femme sur un cheval. Quelle beauté, je me demande si elle sait se battre aussi.

Siegfried arrive dans son dos sans que le chevalier sans rende compte.

"-Tu es mort."

Le chevalier déglutit. Son visage devint pâle comme un linge et il paraît paralysé.

"-Quand une femme te plantera sa lame dans le cœur, tu ne poseras plus une question aussi stupide. Nous sommes tous des guerriers, n’oublie jamais ça."

Siegfried regarde la jeune femme.

"-Vas ranger ton cheval à l’écurie et viens nous faire une démonstration de tes talents de bretteur."

Il pousse le jeune chevalier devant lui et s’adresse à lui.

"-Il est bien entendu que tu te portes volontaire pour la voir manier l’épée."

Le capitaine de la forteresse croise les bras sur son torse.

Le visage de Laureena se ferma quand elle entendit le jeune guerrier. Elle tourna la tête pour le voir correctement puisqu'il se trouvait au niveau de son oeil mort. Elle hocha la tête en direction de Siegfried dont la voix résonnait étrangement. Sans doute à cause de son heaume.

"Je relève le défi, mon seigneur. J'espère pouvoir aussi vous affronter, seulement, je vous demanderais une joute à cheval. Le vainqueur pourra exiger ce qu'il voudra du vaincu."

Elle se laissa glisser en souplesse au sol. Laureena héla un écuyer et lui tendit les rênes de sa jument.

"S'il lui arrive quoi que ce soit, tu en répondras de ta vie. Brunehaut vaut une fortune.
- B... Bien ma dame."

La jeune femme tira sa lame et se mit en garde alors que le jeune se plaçait, surprit de son assurance. Elle attendit qu'il frappe avant de parer et de se lancer à son tour. Plus vive qu'un serpent, elle frappait, feintait, parait, rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Une dernière feinte, une erreur et le jeune guerrier se retrouva par terre, la pointe de l'épée de Laureena sur la gorge.

"J'espère que tu ne me manqueras plus jamais de respect."

Elle releva la tête et regarda Siegfried. Elle espérait qu'il accepterait son défi. Un chevalier digne de ce nom se devait de l'accepter.

Siegfried fit signe au jeune chevalier de reprendre l’entraînement. Il décroise ses bras et saisit d’une faux dans son dos et en allonge le manche métallique. Le capitaine avance de quelques mètre puis s’arrête. Il regarde en direction de la monture de la nouvelle venue, puis repose son regard sur cette dernière.

"-Nous sommes des chevaliers, mais aussi des hommes de guerre. Sur le terrain, nous usons de tous les coups, même les plus bas. Cette arme que je tiens pourrait trancher la tête de votre canasson et vous faire tomber de cheval en un seul mouvement."

Sans prévenir, la faux de Siegfried fend l’air. Elle tape l’épée de la jeune femme et l’expédie plusieurs mètres plus loin. En décrivant un S, la lame revient vers la chevalière et s’arrête à quelques millimètres de son cou.

"-Tu es forte, agile et ta langue est très affûtée. Seulement, il en faut plus pour survivre ici. Ceux que nous combattons n’ont pas d’honneur ou quoi que ce soit qui s’en approche. Pour survivre, il faut mettre toutes ses valeurs de côté. Dans la tombe l’honneur ne sert plus à rien. Si tu veux survivre ici, tu dois apprendre deux choses : t’attendre à l’imprévisible et mettre tes valeurs de côté un instant pour se battre."

Siegfried fait un large geste de la main.

"-Nous sommes des chevaliers, mais des guerriers avant tout. Dis-toi que je remets ton défi à plus tard, je veux voir si ta belle assurance survit à l’enfer qu’est cet endroit. Je m’appelle Siegfried Atalanta, mais ici on m’appelle Capitaine. Quel est ton nom et surtout que cherches-tu en venant ici?"

La faux plus grande que Siegfried et tenue d’une main ne bougeait pas d’un millimètre.

La jeune femme laissa son épée filer loin d'elle et ne recula pas d'un millimètre en voyant la lame se rapprocher d'elle. Il en fallait plus pour l'impressionner. L'autre était très exigeant semblait-il.

"Touchez à seul des crins de ma jument et vous n'aurez pas d'adversaire plus dangereux que moi. Ce n'est pas une menace, mais une simple mise en garde."

L'oeil gauche de Laureena virait au noir, signe de sa colère montante mais elle il redevint vert très vite.

"J'ai déjà vécu l'enfer, vous ne m'apprendrez rien. Je me nomme Laureena Tillius. Je viens de l'île de Skyros, en Grèce. Je ne cherche rien d'autre qu'un endroit où l'on m'acceptera telle que je suis."

Un vague sourire étira doucement les lèvres de la jeune femme. Une lueur d'amusement pointa dans son regard. Elle prit le manche de la faux, enroulant son poignet autour d'un mouvement gracieux. Tirant dessus, elle s'avança, se retrouvant contre le plastron de Siegfried. La jeune femme leva les yeux vers le visage métallique du heaume. Sa voix se réduisit à un murmure provoquant, inaudible pour les autres.

"J'ai d'autres armes que mes lames. Je sais m'en servir tout aussi bien mais je les utilise peu."

Siegfried ne bouge pas et parle d’un ton neutre.

"-Tu tiens plus à la vie de ton destrier qu’à la tienne. C’est une belle preuve de chevalier. Ne montres pas tes faiblesses aussi facilement, la colère est le premier pas vers l’erreur."

Le capitaine de la forteresse pose le manche de sa faux sur son épaule.

"-Hum ! L’enfer de ces lieux est bien différent et n’a nul autre pareil. Les temps changeraient t-ils pour que Skyros accepte qu’une femme revêt le métal ?"

Il murmure une phrase.

"-C’est sans doute ce qui t’à coûter ton œil droit."

Sa voix redevient plus claire, mais aussi plus dure et froide.

"-Si tu veux que l’on t’accepte tel que tu es, il faudra que tu acceptes cet endroit et ces hommes tels qu’ils sont. Cet endroit est une forge qui fait du métal du chevalier, la lame qui découpera nos assaillants. N’y vois aucune insulte de ma part, mais tes charmes me laissent de marbre. Le travail passe avant tout autre chose. Maintenant, un avertissement sans frais, ne met pas ton assurance au-dessus de tout autre chose, draguer n’est pas une arme assez fiable pour un chevalier. Vas ramassez ton arme et voyons si ton entraînement ici sera à la hauteur de l’assurance que tu affiches."

Laureena ne bougea pas. Elle soutenait le regard de Siegfried, difficilement mais elle tenait.

"J'aime ma jument parce qu'elle se battra à mes côtés pour une cause qu'elle ignore et qu'elle ne comprendra jamais. Mais aussi parce qu'elle ne pourra pas me décevoir: elle n'est pas humaine."

Elle finit par reculer de deux pas. Non pas parce que cela la gênait mais parce qu'elle commençait à avoir mal au cou à force de lever trop la tête.

"Les temps n'ont pas changés à Skyros, et c'est bien cela qui m'a valut cette blessure. Que voulez-vous, on ne peut changer les choses en une fois."

Laureena sourit. Elle voulait prouver sa valeur, en temps que guerrière mais aussi en temps que femme. Elle se rapprocha de nouveau et baissa la voix.

"Quant à mes charmes comme vous le dites si bien, vous ne les connaissez pas. Du moins... pas encore."

Elle fila récupérer Legend et la fit tournoyer dans les airs. Elle revint et tomba en garde.

"Quand vous voudrez."

"-Vous êtes humaine, donc vous pouvez décevoir. Mais je suppose que vous venez ici aussi pour prouver le contraire."

Après l’évocation de ses charmes, la voix de Siegfried semble devenir plus froide.

"-Avant de me prouver ta valeur en tant que femme, il te faudra me prouver ta valeur en tant que chevalier. Une lame ne fait pas la différence entre une jolie femme et un homme moche, elle lui tranche le cou de la même manière."

Quand Laureena se met en garde, le capitaine se contente de se tourner afin que son épaule gauche soit face au chevalier.

"-Bonne idée de se mettre en garde, ça oblige ton adversaire à venir briser ta garde. En revanche, ça signifie que tu l’attends. S’il te faut passer à l’offensive, tu devras briser ta garde et tu deviendras une proie facile. Si tu te mets de côté, tu diminues la surface de contact possible. Cela rend la parade et l’esquive plus simples et surtout l’adversaire a plus de mal à savoir ce qu’on lui réserve. Cela peut aussi l’énerver et l’obliger à commettre une faute."

Siegfried prend le bout de sa faux et dessina un cercle avec la pointe autour de lui. Avant de reprendre, sa faux au milieu de son manche.

"-Ceci est le premier cercle de survie. Si l’adversaire traverse ce cercle tu es plus vulnérable, voir condamné à mourir. Plus le cercle est grand, plus la surface à défendre est grande. Mon allonge étant grande, je devrais avoir plus de mal à défendre ma zone. En pratique, c’est différent, le diamètre de mon cercle est variable suivant la manière dont je tiens ma faux."

Il pointe Laureena avec sa faux.

"-Tout comme toi tu peux tenir ton épée, pointe en bas. Il est vital pour un combattant de savoir quelle est la taille de son cercle et de celui de son adversaire. Tu as parfois très peu de temps pour le savoir. Des questions ?"

Elle sourit à sa réponse concernant ses armes féminines.

"Bien, je saurais patienter le temps du combat."

Laureena écouta ensuite avec beaucoup d'attention ce que lui disait Siegfried. Personne jamais ne lui avait enseigné tant de chose en si peu de temps, pas même son père. D'un geste lent, elle se plaça sur le côté et sa lame vint frôler le sol au bout de son bras.

"Ce n'est pas ce que l'on m'a appris. Mais je m'en souviendrais."

Elle resta silencieuse un moment, jaugeant son prochain adversaire. Sa taille et son arme augmentaient considérablement son allonge mais son armure réduisait sa liberté de mouvement et son heaume, son champ de vision. Elle plus légère, plus fine pourrait se servir de sa vitesse.

Son doux visage se ferma, elle s'avança lentement, puis plus vite. Sa lame se leva devant elle. Laureena fit un bond sur le côté, cherchant à atteindre le dos ou l'arrière de l'épaule.

Le capitaine ne bougea pas devant les paroles et les gestes de Laureena.

*-Trop prévisible.*

Avec une rapidité incroyable pour une personne portant une telle armure, Siegfried part le coup en tenant sa faux d’une main derrière lui. Il repousse le chevalier avec le bout du manche de sa faux. Dans le même mouvement, le capitaine se remet dans sa position initiale par rapport à la nouvelle position du chevalier.

"-M’attaquer dans le dos est ce qu’il y a de plus prévisible. Tu t’es fiée à l’impression que je te donnais, c’est à dire un adversaire lent. Si je porte une telle armure et si j’use d’une telle arme, c’est qu’elles ne me handicapent en aucune façon. En outre, mon heaume ne me dérange pas plus. Les guerriers expérimentés ne se fient pas qu’au sens de la vue, mais aussi à l’ouïe, aux vibrations du sol lorsque l’on marche, que l’on court ou que l’on saute. Les meilleurs guerriers détectent à l’odeur. Certains arrivent à détecter les saveurs présentes dans l’air, comme les serpents."

Siegfried tient sa faux droite, la lame au-dessus de lui et le manche effleurant le sol.

"-Ne sous-estimes jamais un adversaire et attends-toi à l’improbable avec lui. Essais encore."

Laureena bondit en arrière, déviant la faux du plat de son épée. Rapide le bougre! Sa nouvelle position lui permettrait de contrer toute attaque venant du bas. Le cerveau de la jeune femme fonctionnait à toute allure, elle cherchait la faille, le point sensible.

Elle s'élança, la lame droite, dirigée vers le heaume du chevalier. Elle tenait son plan. Elle prit de la vitesse, son coup était prévut et la suite aussi.

Au dernier moment, le heaume de Siegfried baisse de niveau. En pliant les genoux, le capitaine évite l’impact de très peu et s’assure une meilleure assise. Il vise l’abdomen du chevalier avec le manche de sa faux. Et avec le bout du manche appuyant sur le ventre de Laureena et l’énergie de cette dernière, il la soulève comme un fétu de paille et le fait voler quelques mètres plus loin.

"-Bien de viser plus haut, mais charger est une mauvaise idée. Ta principale alliée, ta vitesse, se retourne contre toi."

Siegfried reprend sa posture initiale, l’épaule gauche dirigée vers Laureena.

"-Continuons."

La jeune femme ne cria pas, le souffle coupé lorsque le manche lui rentra dans le ventre. Elle ne ressentit pas de douleur, son armure la protégeant d'une blessure interne possible. Elle se retourna dans sa chute, la transformant en saut périlleux. Elle se reçut accroupie, une main au sol pour retrouver l'équilibre.

"Pas mal... Mais j'aurais dû m'en douter. Seulement, je ne suis pas très douée avec une lance."

Elle se redressa et reprit son souffle. Elle s'avança, plus lentement, elle marchait, son épée pointée vers le bas. Cette fois, elle lui laissait l'opportunité de l'attaquer à son tour.

"-Tu as été imprudente. Si j’avais utilisé la lame de ma faux, tu serais gravement blessée à l’heure qu’il est. On ne charge jamais un adversaire, surtout quand on ne connaît pas suffisamment l’arme qu’il utilise."

Siegfried se met à courir en direction de Laureena. Son armure, aussi imposante et lourde soit-elle, ne semble pas le gêner le moins du monde dans sa course rapide. Au dernier moment, il freine sa course, prend le manche de sa faux à deux mains et l’abat en direction du flanc du chevalier. Il fait ce mouvement si vite que Laureena n’a pas le temps d’esquiver le coup et doit se contenter de le parer. Deux vétérans regardent le duel.

-Tu es sûr qu'elle va tenir sous le poids de l'impact.

-Aucune idée, mais il vaut mieux pour elle.

Laureena s'était mise aussi à courir, pour prendre de la puissance. Elle s'arrêta brusquement. Par réflexe, elle fit un énorme bond en arrière. La lame de la faux passa à trois centimètres de son ventre. Elle sauta sur le métal et s'en servit pour rebondir et se lancer droit sur Siegfried.

Elle lui tomba dessus brutalement, les jambes ramassées pour s'en servir comme d'une sorte de bélier. Elle le heurta brutalement en haut du torse, se rejeta en arrière et retomba au sol. Lorsqu'elle se redressa, la pointe de son épée vint se loger entre le heaume et la collerette du plastron, touchant presque le cou de son adversaire.

Essoufflée, elle tint sa position. Elle ne croyait pas encore à sa victoire. Ce chevalier était plus qu'un rude combattant.

"Qu'en pensez-vous?... Même si j'aurais été tuée... deux fois si nous avions été en situation."

La respiration de la jeune femme était rauque, elle avait soif. Le combat avait été une épreuve des plus rudes. Le niveau était excellent et elle allait devoir se surpasser pour tenir le rythme.

Siegfried n’avait pas bougé lorsque Laureena avait pris appui sur son plastron. Il ne silla pas non plus devant la position de l’épée du chevalier. Soudain, ce dernier sentit la pointe de la faux lui effleurer le cou.

"-Tu es morte. Une faux possède deux côtés tranchants et en reculant son bord intérieur t’aurais tranché le cou. Ce mouvement m’aurait permis, en même temps, d’esquiver un coup fatal. Les combats trop longs ne sont pas pour toi, tu comptes sur ta vitesse pour en finir vite. Car si tu es rapide, tu te fatigues vite. Si je t’ai chargé, c’est pour que tu me fixes à un moment, je retire ainsi l’attention que tu portes à mon arme. Je t’ai dupé en chargeant comme un taureau."

Siegfried remit sa faux dans son dos, le soleil avait décliné sur l’horizon et les ombres s’étaient allongées. Le capitaine s’adresse tout les soldats présents en leur criant :

"-Entraînement terminé ! Magus prendra le premier quart et Kiras le second. Rompez !"

D’un seul homme, les soldats arrêtent ce qu’ils font et claquent du talon en criant :

-Oui capitaine !

Siegfried s’adresse à Laureena.

"-Quant à toi, nous allons discuter dans mes appartements. Suis-moi."

Il se tourne et se dirige vers un endroit précis de la forteresse.

Chambre de Siegfried Atalanta

Laureena hocha la tête en sentant la lame sur son cou. Il était vrai qu'elle était loin d'être une combattante aguerrie par rapport à lui. Elle remit sa lame au fourreau, libérant ainsi sa main gauche.

"En combat long, je suis à cheval. J'ai plus d'endurance en selle. Pourtant, ce n'est pas plus simple."

En le voyant donner ses ordres, elle appela l'écuyer qui tenait toujours sa jument. Il s'approcha avec la grande grise.

"Va la rentrer et nourris-la. Brosse-la bien, elle a transpiré."

Le jeune homme s'inclina légèrement et s'éloigna avec le destrier. Laureena reporta son attention sur Siegfried et acquiesça.

"Je vous suis."

Chambre de Siegfried

Chambre de Siegfried Atalanta.

Le chevalier est soucieux. D’abord sa vie privée a eu un changement inattendu et aussi à cause de la tempête de sable qui semble s’approche. De tous les dangers du désert, les tempêtes sont les pires. Aucun moyen de s’en protéger, le sable s’infiltre partout, dans les armures, les vêtements, le corps et entre les pierres aussi. Il se place au centre de la cour où l’y attendent cinq cent hommes.

"-Bonjour Messieurs."

Les soldats lui répondent avec un bel ensemble.

-Bonjour, capitaine.

"-Aujourd’hui nous allons profiter de l’arrivée d’une nouvelle recrue pour montrer quel danger peut représenter un cavalier."

Un soldat fait une remarque.

-Encore faudrait-il qu’un cavalier ennemi puisse rentrer ici.

Sa remarque fait rire tous les hommes. Mais le mutisme de leur capitaine les plonge aussitôt dans un silence de mort.

"-Nul ne peut se targuer d’être invincible, messieurs."

Puis il appelle la cavalière.

"-Laureena Tillius ! Vous allez nous dire les avantages et les inconvénients du combat à cheval et nous faire une démonstration. Messieurs, je vous demande de bien assimiler ce qu’elle va dire."

Le capitaine recule et laisse un grand espace entre lui et ses hommes pour Laureena puisse faire sa démonstration avec son cheval.

Chambre de Siegfried Atalanta

Après être descendue aux écuries, Laureena prit son temps pour préparer sa monture. La grande grise était un peu nerveuse, elle sentait la tempête montant du désert. Sa cavalière l'amena dehors et se hissa en selle.

En se rapprochant tranquillement au pas, Laureena entendit Siegfried. Ainsi, il lui confiait la tâche d'expliquer les capacités d'un cavalier au combat. La jeune femme plaça sa jument dans l'aire prévue pour elle et inclina la tête pour saluer ses compagnons d'arme.

"Messieurs, le combat équestre n'est pas ce que la plupart d'entre vous semblent croire. C'est à dire foncer dans le tas et trancher la tête de tous vos adversaires. En réalité, pour obtenir cela, il faut une confiance mutuelle entre le cheval et son cavalier. En effet, le cheval est un animal extrèmement sensible et foncièrement gentil. Il refusera toujours de se jeter dans une mêlée si il ne fait pas confiance en celui qui se trouve sur son dos.
Cette confiance n'est pas accessible à tous, c'est un privilège. Seuls ceux qui prennent leur temps peuvent obtenir quelque chose. C'est une créature vivante et non pas un véhicule sur lequel on s'asseoit. Un cheval ressent les choses avec beaucoup de finesse, il peut sentir la peur de son maître, ou sa tristesse."

Laureena fit une pause, histoire d'observer les réactions des hommes. Certains semblaient plus que sceptiques. Elle reprit.

"Un cavalier a l'avantage sur presque tous les combattants maniants une arme à courte portée. La charge lui donne l'imprévisibilité et la force liée à la vitesse. De même, un cheval au grand galop n'est pas facile à freiner par quelqu'un d'autre que son cavalier. Par contre, ils sont vulnérables aux armes d'hast et de jet tels que les arbalètes et autres arcs."

Cette faiblesse sembla en réjouir certains. Laureena décida d'utiliser les plus fanfarons pour sa démonstration. Elle se tourna vers Siegfried.

"Maintenant, si le capitaine me permet de choisir une ou deux personnes pour que je puisse illustrer mes dires."

Le capitaine avait écouté le discours de la jeune femme sur son animal favori.

*Elle adore cet animal. Elle en parle avec passion.*

Une fois qu’elle eut fini sa présentation, le capitaine prit la parole.

-Je te remercie Laureena. Messieurs, n’oubliez que le cheval en tant qu’animal est une arme possible. Un coup de sabot peut écraser des os. Une ruade peut vous renverser. Son poids même est dangereux, il est suffisant pour broyer un homme. Faites attention qu’il ne lui prenne pas l’idée de servir de vous comme d’une chaise ou d’un lit.

Un rire traverse l’assistance.

-Un cheval, malgré sa finesse, pèse plus de 500 kilos. Pour vous donner une idée, un homme fait entre soixante-dix et quatre-vingt kilos. Malgré ce poids, il est difficile de le viser. Sa rapidité le rend utile à son cavalier. Un bon cavalier oppose à son adversaire, non pas un mais deux ennemis, l’un à l’épée et l’autre au sabot.

Il fait un mouvement de tête circulaire.

-J’ai vu certains d’entre vous avec un sourire aux lèvres tout à l’heure. Je pense que quelques duels valent mieux qu’un long discours. Je vous déconseille de toucher le cheval, uniquement son cavalier. Evidemment, il est très facile de trancher la sangle de la selle mais encore faut-il la toucher.

Il désigne deux chevaliers dans l’assistance.

-Vous deux, avancez.

Les deux hommes s’avancent.

-Messieurs, veuillez croiser le fer avec un cavalier.

Le capitaine se tient droit, les bras croisés sur son torse, sa faux attachée dans son dos et une épée à son côté.

Laureena fit un signe de la main au remerciement de Siegfried et fit reculer sa jument. Brunehaut se plaça un peu en retrait et secoua sa longue crinière cendrée. Sa cavalière sourit à ce que disait son compagnon. Mais plus il avançait dans ce qu'il disait, plus la jeune femme avait l'impression qu'il connaissait les ficelles du combat équestre.

Elle l'écouta jusqu'au bout. Mais à la mention des blessures possibles, Laureena broncha.

"Je me permets d'intervenir mais je me réserve le droit de blesser celui qui fera du mal à ma jument proportionnellement à ce qu'il lui aura fait."

Elle observa ses deux adversaires et tira son épée. Elle rassembla ses rênes et recula une jambe. Les postérieurs de Brunehaut s'engagèrent sous sa masse et elle pivota sur les épaules. Un coup de talon et la grande grise bondit en avant. Les deux hommes s'écartèrent en titubant à moitié, surpris de la vitesse de l'assaut. La jeune femme n'en avait pas terminé, elle bascula sur le côté et envoya son épée vers un des gardes qui la contra comme il put. Elle chercha à atteindre Siegfried par la pensée, espérant qu'il reçoive son message.

*Ils ne se sont jamais battus contre un cheval, ça se voit.*

Laureena en repoussa un qui voulait trancher sa sangle en poussant les hanches de sa monture. Elle la cabra, faisant reculer les hommes qui ne voulaient pas se prendre un coup de sabot. A peine retombée, Brunehaut bondit en avant, bousculant les gardes. L'un d'entre eux tomba sur le dos. La cavalière lui fit signe que s'était terminé pour lui et s'occupa de l'autre. Le dernier ne fit pas long feu; ayant été déconcentré par la chute de son compagnon, il commit erreur sur erreur et termina à plat ventre entre les antérieurs de Brunehaut. La jument baissa la tête pour le renifler, ce qui fit rire tous les autres soldats.

"Elle est gentille, comme tous le monde peut le voir, elle ne cherche pas à mordre mais simplement à savoir ce qui se trouve sous son ventre."

Laureena caressa l'encolure de sa jument et la ramena près de Siegfried.

Le capitaine put percevoir une pensée qu’il lui était destinée.

*Aucun cavalier ennemi n’a franchi vivant les murs de cette forteresse.*

Le capitaine n’avait rien dit à l’intervention de la cavalière. Elle aimait sa jument et avait une confiance absolue en elle. Le capitaine était resté de marbre devant la démonstration et ne rit pas à la réaction de la jument sur le soldat entre ses antérieurs. Les deux chevaliers se relèvent un peu honteux et rentrent dans le rang. Siegfried s’avance. Il se tourne vers Laureena.

"-Tu es une bonne cavalière, néanmoins je te prierais dorénavant de ne faire aucune réflexion quand je parlerais."

La remarque du capitaine fut cinglante et n’avait rien d’une demande du fait qu’il est fortement appuyé sur le « je te prierais. » Siegfried usa de la télépathie pour s’adresser à la jeune femme.

*Malgré ce qu’il y a entre nous, je ne te ferais aucun privilège. Sans le vouloir, je serais peut-être même plus exigeant avec toi qu’avec les autres soldats.*

Il se tourne vers ses soldats.

"-Messieurs, après cette démonstration sur le cheval. Nous allons élargir le sujet. Ce destrier offre l’avantage de couvrir de plus grandes distances en moins, de pouvoir échapper au combat si celui tourne mal. Un ennemi avec une arme de jet sur un cheval devient un véritable fléau. Un adversaire avec une arme de moyenne portée devient plus dangereux également. Cependant, le plus grand avantage à savoir ses pattes est aussi sa plus grande faiblesse. Il est très fragile de cette partie du corps, plus que celle d’un homme. Il faut donc la protéger le plus efficacement possible. Une simple corde ou un trou provoque une chute de cheval qui peut être fatale à son cavalier. Si vous vous retrouvez confrontez à un ennemi sur un cheval, un simple bâton solide peut lui briser les antérieurs et ainsi être à votre merci. Cependant ne le ratez pas, il se pourrait qu’il ne vous rate pas lui. Contre une cavalerie, une simple tranché et une rangée de pieux peut la briser facilement. Les chevaux tombent les pieds en avant et les cavaliers s’empalent sur les pieux. Une rangée d’archer suffit alors à exterminer les survivants. Pour un duel, une arme de moyenne portée comme une lance, une hallebarde ou une faux bien maniée suffit à se débarrasser d’un destrier. Une lance ou une hallebarde peut tuer instantanément un cheval pour peu que l’on vise bien."

Siegfried prend sa faux dans sa main.

"-Pour une faux, c’est différent. Sa forme ne permet pas de frapper comme une lance. Il faut faire un écart et frapper."

En même temps qu’il parle, il effectue les mouvements qu’il décrit avec sa rapidité habituelle.

"-On peut soit trancher la tête du destrier ou enfoncer la pointe dans sa peau. On peut encore lui sectionner les antérieurs."

Il range sa faux dans son dos et croise de nouveau ses bras sur son torse.

"-Mon arme est comme le cheval un formidable allié si elle est bien utiliser ou un énorme handicap si elle est maniée avec maladresse. Ne sous-estimer jamais l’arme d’un adversaire quelle qu’elle soit. Même un bilboquet est une arme redoutable. Une arme, messieurs est un objet ou un être qui peut entraîner des lésions, des blessures ou même la mort. Tout être vivant ou objet est une arme potentielle. Est-ce clair messieurs ?"

Ses guerriers lui répondent avec leur bel ensemble habituel.

-Oui capitaine !

"-Laureena, va ranger ton cheval rapidement et rejoint tes compagnons d’armes. Messieurs, j’aimerais vous parler d’une chose avant de vous laisser vous entraîner au maniement de votre arme."

Le capitaine s’était avancé devant ses hommes et attendait que la cavalière ait fait ce qu’il lui avait demandé avant de poursuivre.

Laureena laissa Brunehaut rênes longues pour qu'elle puisse souffler. La jument était endurante mais les efforts rapides et violents la fatiguaient facilement.

"Désolée, c'était plus fort que moi. Je ne le ferais plus."

La jeune femme baissa un peu la tête, sincèrement navrée de sa conduite, liée à son attachement pour sa monture. Elle en avait vu, des chevaux se faire abattre à la suite d'un entraînement trop brutal.

*Je ne m'attendais pas à un traitement de faveur.*

Laureena n'aimait pas ce rappel des façons de stopper un cavalier au combat. Elle écouta mais une boule se forma dans son ventre, cette énumération lui était douloureuse. Bien que n'ayant jamais tué un cheval de sa vie, deux de ses montures successives étaient tombées sous elle. Elle hocha la tête à la demande de Siegfried et s'éclipsa.

Elle revint quelques minutes plus tard, ayant confié sa jument aux bon soins d'un palefrenier. La gauchère gagna une place vide au premier rang et se cala solidement sur ses jambes. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus été dans une formation et cette situation l'ennuyait presque: elle s'en sentait prisonnière.

Le capitaine attendit que Laureena rejoigne ses compagnons d’armes et recommence à parler. Entre-temps, il a installé un mannequin en bois recouvert d’une cotte de mailles.

"-Bien, je suppose que certains d’entre vous connaissent ou on entendu parler de ma deuxième arme."

Il sort une épée de son fourreau accroché à sa taille. L’épée est d’une taille moyenne. Elle n’a rien de particulier si ce n’est d’étranges marques en zigzag le long de la lame.

-J’ai donné le nom de Fléau a cette arme. Malgré son apparence, ceci n’est pas une épée ordinaire.

La plupart des visages dans l’assistance semblent dubitatifs et guère convaincus. Siegfried fait un rapide mouvement du poignet et lame se divisent en plusieurs morceaux triangulaires reliés entre eux par un câble métallique.

"-Messieurs, ceci est sans doute l’équilibre parfait entre un fouet et une épée. Il va sans dire qu’il faut maîtriser les deux pour pouvoir l’utiliser."

Le capitaine se retourne vers le mannequin situé à une certaine distance de lui. Il fait un mouvement horizontal avec son bras et les morceaux de lame s’enroulent autour de la cotte de maille. Il tire et la cotte de maille et le mannequin sont littéralement déchirés comme deux feuilles de papier par les pièces métalliques. D’un mouvement du poignet, Siegfried débarrasse l’arme des morceaux de bois et de métal et la ramène à son aspect originel. Les soldats restent méduser devant la démonstration. Il rengaine l’arme sans un mot et regarde l’assistance.

"-Des questions ?"